Grâce à une étude scientifique approfondie, Son Pépère nous emmène dans les arcanes de la science des prénoms.
Comme chacun d'entre nous, Son Pépère éprouve plus ou moins de sympathie à l'égard de ses semblables, mais, dans l'ensemble, il aime bien la majorité des gens qu'il côtoie, même ceux qui l'agacent, qu'il agace, voire insuporte. Quant aux personnages publics, ne les connaissant pas intimement, il se contente de n'avoir d'opinion que pour ce qui les rend célèbres, c'est pourquoi ils sont exclus du propos de cet article.
Pour ne pas paraître falot, Son Pépère avait toutefois besoin d'ennemis. En se forçant un peu, il a admis qu'au cours de sa déjà longue vie, il avait eu affaire à trois personnes qu'il déteste. C'est sans doute trop peu, mais il s'en tient là, craignant qu'au delà, il ne contracte des maux gastriques que le plaisir de haïr ne puisse totalement compenser.
Qui sont ces trois tristes élus, qu'ont-ils bien pu faire pour figurer dans la liste noire de Son Pépère ?
Le premier n'est pas forcément un mauvais homme, il lui arrive fréquemment de rendre service aux uns ou aux autres ; mais c'est un sot militant : il s'applique à chasser toute réflexion et tout bon sens de ses pensées. S'il juge condamnable ce qui ne lui est pas immédiatement favorable, il maudit tout autant ce qui arrange ses intérêts et qu'il estime systématiquement insuffisant. Ses discours ne sont que jérémiades et jalousie.
Quant aux deux autres, la marée de la fonction publique les ayant abandonnés à des postes de responsabilité, ils ont pu un temps exercer sans contrainte à la fois force d'inertie et pouvoir de nuisance. L'un n'avait d'objectif professionnel qu'apaiser une épouse bruyante, l'autre voulait se convaincre de sa propre existence en contrant ses collaborateurs. Ils auraient rêvé de se saborder pour le simple plaisir de voir leurs équipes sombrer avec eux.
Son Pépère ne sait pas vraiment pourquoi il a ressenti de l'animosité à l'égard de ces personnages là plutôt que d'autres ; l'essentiel n'est pas là. Quand on s'en tient à une approche statistique de la situation, on arrive à la conclusion frappante que, si à peine trente trois pour cent du ressentiment de Son Pépère va à un Albert, il faut en compter plus de soixante six (le double) à des Bernard ! Ce dernier chiffre nous interpelle, il y a là matière à réflexion : peut-on affirmer sans se tromper vraiment qu'un Bernard est un abruti? Son Pépère le pense et va tenter de le confirmer, en balayant les objections..
Comme il est annoncé plus haut, les personnages publics ne sont pas ici pris en compte. On admettra simplement que Bernard Carpet, escroc public, et Bernard-Marcel Lepont, philosophe à tout faire, allongent la liste des parias, même si Son Pépère ne les connaît pas personnellement.
Précisons que les Bernadette ne sont pas plus concernées ; il est important de toujours bien circonscrire le domaine d'une recherche.
La portée de l'étude étant précisée, l’honnêteté contraint Son Pépère à laisser une porte d'entrée à ses détracteurs : il a compté, parmi ses relations, quatre Bernard fort estimables.
« Comment ! s'insurgeront les plus comptables ! quatre contre deux et la minorité l'emporte ! »
S'il fallait répondre aux attaques, on saurait avancer que la vérité scientifique n'a que faire de la démocratie. Il n'en reste pas moins qu'une explication s'avère nécessaire pour sortir ces exceptions de l'enquête :
Son Pépère a remarqué que deux des Bernard qu'il apprécie ont épousé des Geneviève. Nul n'ignore que Sainte Geneviève fut déclarée patronne de la gendarmerie. Voilà pourquoi un Pol Pot même, qui partagerait la vie d'une Geneviève, ne pourrait être complètement mauvais. Un troisième Bernard, non le moindre(1), vit avec une Nadine. Son Pépère est bien placé pour savoir qu'une Nadine, plus encore qu'une Geneviève, ne tolère aucune entorse à la morale, aucune sortie de route(2). C'est cela qui a sanctifié notre homme, tout Ardennais qu'il fût. En revanche, un de ses compatriotes, Bernard lui-même, qui vit avec une oie au nom de vache, représente la quintessence du minus habens.
Le cas du quatrième « bon Bernard » a donné plus de mal à Son Pépère ; aucune justification des qualités du sujet ne présentait assez de vraisemblance, jusqu'à ce qu'on sût le fin mot de l'histoire : le personnage avait bénéficié d'une erreur de la nature, due à une homonymie approximative, récemment mais tardivement corrigée (voir encadré).
Il est maintenant prouvé que, sauf exceptions dûment expliquées, un Bernard n'est ni recommandable, ni estimable, et se comporte comme un sot. Il convient de s'en méfier et de le tenir à l'écart.
«odi bernardum vulgus et arceo », disait le poète Horace
«odi bernardum vulgus et arceo », disait le poète Horace
Ce chapitre ne saurait être clos tant qu'on ne connaîtra pas l'origine de cette singularité. Certes, le grand Saint Bernard lui même était un pousse au crime sectaire. S'il avait été notre contemporain, le très Saint-Père pape Kevin(3) ne l'aurait canonisé que pour se tenir au niveau d'autres religions à la mode. Qui dit toutefois que ce grand prédicateur fut à l'origine de la malédiction? Peut-être sa bernardité(4) lui a-t-elle mis des œillères, le poussant, lui comme les autres, à mettre en avant ses mauvais instincts et son esprit borné.
Quoi qu'il en soit, Son Pépère tient à résoudre l'énigme et lance un appel à témoins : Vous vous appelez Bernard et vous méritez vraiment qu'on vous traite de pauvre type ; vous êtes de mauvaise foi, médisant, râleur et aigri. Si vous avez déjà concrétisé vos plus bas instincts, c'est encore mieux (Bernard tièdes, abstenez-vous !) Écrivez alors à Son Pépère pour lui raconter avec le plus de précision possible ce qui vous pousse à la mauvaise action ou simplement à la sottise, principalement quand on prononce votre nom. Les réponses les plus intéressantes auront l'honneur d'être analysées et publiées sur ce blog. Les plus sincères seront prises en compte dans les statistiques. Si vous avez du mal à rédiger, contentez-vous de remplir par des croix le tableau ci-dessous :
N'oubliez pas de joindre l'attestation d'un membre de votre entourage sous la forme suivante :
Je soussigné(e) (prénom) (nom) certifie que mon (ami, mari, pacson, voisin...) Bernard (nom, adresse) est bien l'authentique crétin qu'il prétend incarner.
date et signature
Cette précaution permettra d'éliminer les mythomanes ; leurs vantardises fausseraient les résultats.
Avant de terminer, lançons d'autres appels à témoins:
- Vous avez vu qu'un seul Albert est haï de Son Pépère ; c'est insuffisant pour en tirer des conclusions intéressantes. Voilà pourquoi nous vous demandons de nous signaler si l'un de vos voisins, affublé de ce prénom, vous semble mériter qu'on le dénonce : il doit être sournois, retors, un brin pervers, mais non dénué de ruse. Toutefois, si vous même vous appelez Bernard, votre contribution sera rejetée, car biaisant les calculs.
- Son Pépère connaît quatre Cécile qui sont agréables, gentilles et intelligentes. Avant d'ériger un nouveau principe, il vous demande, vous qui portez ce prénom, de reconnaître en toute honnêteté combien vous correspondez à la description ci-dessus.
C'est ainsi qu'avancent de conserve Science et Connaissance.
La méprise de Dame Nature :
On sait les Bernard sots et ridicules. Voici pourtant l'histoire vraie d'un Bernard différent, telle que Son Pépère en a eu connaissance :
extrait d'un dialogue entre Dame Nature (DN) et son secrétaire particulier (SP) à l'occasion d'une refonte d'inventaire :
« ….........
DN : - où en est-on ? Ha oui, A...(*) Bernard, cette vieille fripouille ! qu'en fait-on ?
SP : - Je ne comprends pas, Dame Nature, le dossier est troublant : le personnage est noté agréable, sympathique, ses filles l'adorent, ses petits enfants sautent sur ses genoux, ses voisins l'estiment. Il n'aurait jamais du recevoir son homologation!
DN : - Stop, mon petit ! sa femme s'appelle évidemment Geneviève ou Nadine !
SP : - Je regrette, Dame Nature, elle s'appelle...
DN [elle devient toute rouge] : – Allô non mais allô quoi ! tu me dis : il s'appelle Bernard et il est sympa, c'est comme si tu me disais je suis fonctionnaire et refuse l'impôt !
SP : - Pourtant, à part le fait qu'il a fumé des gitanes dans sa jeunesse, on n'a rien à lui reprocher...
DN : Fais voir son dossier ! [elle lui arrache des mains]. Bon sang ! mais c'est bien sur ! j'avais lu trop vite ! j'ai cru que c'était Bern' L'Aden. Reconnais qu'une canaille comme ça pouvait bien s'appeler Bernard ! voilà pourquoi je ne suis pas intervenue. J'ai tellement de travail, je suis si mal secondée qu'il peut bien m'arriver de manquer de concentration. Maintenant il est grand temps de réparer l'erreur !
SP : - Dois-je lui envoyer un AVC éclair pour régler la situation ?
DN : - Tu veux rire ! Depuis le temps qu'il passe à travers les mailles du filet ! Ce serait trop facile ! Il a été fumeur ? Colle-lui la maladie qui va bien avec la cigarette, ça lui apprendra à se moquer de nous ! »
Et c'est ainsi que Dame Nature, qui, pour être bonne, n'en est pas moins une peau de vache, vint à bout d'un Bernard qui avait, bien malgré lui, fait mentir la Statistique.
(*) A..... : comme toujours, par délicatesse, son Pépère masque les noms.
On sait les Bernard sots et ridicules. Voici pourtant l'histoire vraie d'un Bernard différent, telle que Son Pépère en a eu connaissance :
extrait d'un dialogue entre Dame Nature (DN) et son secrétaire particulier (SP) à l'occasion d'une refonte d'inventaire :
« ….........
DN : - où en est-on ? Ha oui, A...(*) Bernard, cette vieille fripouille ! qu'en fait-on ?
SP : - Je ne comprends pas, Dame Nature, le dossier est troublant : le personnage est noté agréable, sympathique, ses filles l'adorent, ses petits enfants sautent sur ses genoux, ses voisins l'estiment. Il n'aurait jamais du recevoir son homologation!
DN : - Stop, mon petit ! sa femme s'appelle évidemment Geneviève ou Nadine !
SP : - Je regrette, Dame Nature, elle s'appelle...
DN [elle devient toute rouge] : – Allô non mais allô quoi ! tu me dis : il s'appelle Bernard et il est sympa, c'est comme si tu me disais je suis fonctionnaire et refuse l'impôt !
SP : - Pourtant, à part le fait qu'il a fumé des gitanes dans sa jeunesse, on n'a rien à lui reprocher...
DN : Fais voir son dossier ! [elle lui arrache des mains]. Bon sang ! mais c'est bien sur ! j'avais lu trop vite ! j'ai cru que c'était Bern' L'Aden. Reconnais qu'une canaille comme ça pouvait bien s'appeler Bernard ! voilà pourquoi je ne suis pas intervenue. J'ai tellement de travail, je suis si mal secondée qu'il peut bien m'arriver de manquer de concentration. Maintenant il est grand temps de réparer l'erreur !
SP : - Dois-je lui envoyer un AVC éclair pour régler la situation ?
DN : - Tu veux rire ! Depuis le temps qu'il passe à travers les mailles du filet ! Ce serait trop facile ! Il a été fumeur ? Colle-lui la maladie qui va bien avec la cigarette, ça lui apprendra à se moquer de nous ! »
Et c'est ainsi que Dame Nature, qui, pour être bonne, n'en est pas moins une peau de vache, vint à bout d'un Bernard qui avait, bien malgré lui, fait mentir la Statistique.
(*) A..... : comme toujours, par délicatesse, son Pépère masque les noms.
- non le moindre : ce Bernard là donne en effet à qui la lui demande la recette ardennaise de son vin d'épine.
- sortie de route : des historiens inspirés auraient démontré que l'empereur Néron, si son impératrice se fut prénommée Nadine, aurait été le plus doux des moutons. Bien sur, il est toujours loisible aux esprits forts de réfuter les arguments de la Science.
- pape Kevin : ici encore, par souci de discrétion, Son Pépère a changé le nom du Souverain Pontife.
- bernardité : il s'agit là d'un terme technique; les dictionnaires l'adopteront un jour.